Apports de l’OCT dans le diagnostic du kératocône

Source: www.realites-ophtalmologiques.com
par O. Sandali le 14 juillet 2015 dans Revues Générales
L’amélioration de la résolution des OCT de dernières générations permettent une évaluation précise de la cornée kératocônique. Grâce à l’étude de la cartographie épithéliale, l’OCT permet d’améliorer la détection du kératocône fruste.
En étudiant les modifications de la structure cornéenne et en mesurant avec précision l’épaisseur des différentes couches cornéennes, l’OCT est devenu un outil indispensable pour une prise en charge optimale du kératocône.
 
Contents
 
Le kératocône est une dystrophie cornéenne se manifestant par une protrusion non inflammatoire de la cornée, d’évolution lentement progressive et
irréversible, apparaissant généralement pendant l’adolescence. La maladie évolue rarement après l’âge de 40 ans. Cette maladie est caractérisée par un
amincissement du stroma cornéen, une baisse du nombre de fibrilles de collagène, une apoptose kératocytaire et des anomalies au niveau de la membrane
de Bowman [1]. À ce jour, le diagnostic et la prise en charge du kératocône repose principalement sur la topographie cornéenne grâce à la mesure du
degré de la déformation cornéenne (kératométrie) et à l’évaluation approximative de l’épaisseur cornéenne (pachymétrie) [2]. Ces deux critères sont
certes importants, mais ils ne tiennent pas compte des modifications anatomiques qui surviennent durant les différents stades d’évolution du
kératocône. L’amélioration de la résolution des OCT récents, spectral domain et Fourier domain, permet une étude précise de l’architecture cornéenne améliorant le
dépistage du kératocône fruste et le diagnostic précis de la gravité d’un kératocône avéré [3].
 
Diagnostic du kératocône fruste
Le diagnostic des formes avérées est généralement facile à l’aide d’un examen topographique. En revanche, le dépistage des formes précoces (formes
infracliniques ou frustes) demeure plus problématique et un véritable challenge, surtout en chirurgie réfractive.
Le kératocône s’accompagne de modifications précoces au niveau de l’épithélium qui, par son rôle de “lisseur”, rétablit la régularité de la surface
cornéenne pouvant masquer les formes infracliniques (fig. 1). L’étude du profil épithélial à l’OCT permet ainsi de fournir des éléments importants pour le
diagnostic des formes frustes.
 
 
Dans une étude récente sur 36 patients ayant un kératocône fruste (yeux adelphes d’un kératocône avéré et ayant une topographie normale : indices
négatifs d’Orbscan (K ≤ 47D et I-S ≤ 1,4) et de Pentacam (KI < 1,03, KCI < 1,07) et TKC, nous avons montré qu’une localisation inférieure du point épithélial
le plus fin ainsi qu’une épaisseur inférieure à 52 mm de ce dernier étaient suspectes de kératocône fruste [4] (fig. 2). L’aspect en “doughnut” ou en
“beignet” épithélial, initialement décrit par Reinstein est également très évocateur de kératocône : amincissement épithélial localisé à l’apex entouré
d’une couronne d’épithélium épaissi [5]. La carte pachymétrique de l’OCT peut montrer aussi un décalage en temporal inférieur du point le plus fin.
L’analyse des différentes couches cornéennes à ce stade ne montre aucune anomalie.
 
 
Diagnostic anatomique précis d’un kératocône de gravité variable et classification OCT du kératocône
La topographie cornéenne permet le diagnostic dès les stades débutants, mais ne permet pas une évaluation précise des modifications anatomiques de la
cornée kératocônique. La carte pachymétrique de l’OCT est utile au diagnostic du kératocône en montrant un amincissement cornéen paracentral
inférieur et une différence supérieure à 45 mm entre la pachymétrie en nasal supérieur et en temporal inférieur au niveau des 5 mm de la cornée du
kératocône [6].
Récemment, sur une étude portant sur 218 patients kératocôniques, nous avons établi une nouvelle classification anatomique basée sur l’OCT (Optovue
de 6 mm de résolution) [7], qui comprend cinq stades (fig. 3) :
 
 
– stade 1 : amincissement des couches épithéliales et stromales d’apparence normale au niveau du cône cornéen. Dans une étude récente, Yadav à l’aide
d’un prototype OCT de 1,1 mm a démontré qu’il existait un amincissement de l’épaisseur de la membrane de Bowman [8] ;
– stade 2 : hyperréflectivité au niveau de la couche de Bowman et épaississement épithélial en regard au niveau du cône ;
– stade 3 : invagination postérieure de structures hyperréflectives au niveau de la couche de Bowman, avec accentuation de l’épaississement épithélial et
de l’amincissement stromal ;
– stade 4 : cicatrice panstromale au niveau du cône ;
– stade 5 : l’hydrops. Stade aigu 5a : rupture de la membrane de Descemet avec œdème cornéen important, dilacération des lamelles de collagène et
formation de kystes intrastromaux et intraépithéliaux. Stade cicatriciel 5b : cicatrice panstromale et aspect résiduel de rupture de la membrane de
Descemet.
Les stries de Vogt ont été observées dans différents stades OCT (stades 1, 2 et 3) dans notre série, et n’ont pas été considérées comme critère pour la
classification. Elles apparaissent sous forme de bandes stromales hyporéflectives entre la membrane de Descemet et la couche de Bowman et non pas à
des replis de la membrane descemétique, comme suggéré antérieurement.
L’étude de la carte pachymétrique de l’OCT est indispensable avant la réali-sation d’un cross-linking, d’une kératoplastie ou la pose d’un anneau
intracornéen.
La pachymétrie de l’OCT est plus précise que celle des topographes actuels pour la mesure de la pachymétrie minimale (cross-linking) et au niveau des 5
-6 mm (pose d’anneaux intracornéens). Dès le stade 2 de la classification OCT du kératocône, l’épaississement épithélial peut masquer un amincissement
stromal si on tient compte seulement de la pachymétrie totale. Une pachymétrie minimale de 400 mm peut correspondre, par exemple, à 70 mm
d’épaisseur épithéliale et 330 mm d’épaisseur stromale contre-indiquant à un cross-linking classique, alors qu’elle ne l’est pas si on ne tient compte que
de la pachymétrie totale mesurée par la topographie cornéenne ou la pachymétrie ultrasonore (fig. 4).
 
 
Les résultats de l’étude de l’intégrité de la membrane de Descemet (cicatrices de ruptures) et de la localisation des opacités stromales par rapport à cette
dernière sont importants à connaître avant la réalisation d’une greffe lamellaire profonde.
 
Bibliographie
1. Amsler M. Kératocône classique et kératocône fruste ; arguments unitaires. Ophthalmologica, 1946;111:96-101.
2. Li X, Yang H, Rabinowitz YS. Keratoconus: classification scheme based on videokeratography and clinical signs. J Cataract Refract Surg, 2009;35:1597-
1603.

3. Li Y, Tan O, Brass R et al. Corneal epithelial thickness mapping by Fourier-domain optical coherence tomography in normal and keratoconic eyes.
Ophthalmology, 2012;119:2425-2433.

4. Temstet C, Sandali O, Bouheraoua N et al. Corneal epithelial thickness mapping by Fourier-domain optical coherence tomography for detection of
forme fruste keratoconus. J Cataract Refract Surg, 2014 (sous presse).

5. Reinstein DZ, Archer TJ, Gobbe M. Corneal epithelial thickness profile in the diagnosis of keratoconus. J Refract Surg, 2009;25:604-610.
6. Li Y1, Meisler DM, Tang M et al. Keratoconus diagnosis with optical coherence tomography pachymetry mapping. Ophthalmology, 2008;115:2159-2166.
7. Sandali O, El Sanharawi M, Temstet C et al. Fourier-Domain optical coherence tomography imaging in keratoconus: a corneal structural
classification. Ophthalmology, 2013;120:2403-2412.

8. Yadav R, Kottaiyan R, Ahmad K et al. Epithelium and Bowman’s layer thickness and light scatter in keratoconic cornea evaluated using ultrahigh
resolution optical coherence tomography. J Biomed Opt, 2012;17:116010.

Les auteurs ont déclaré ne pas avoir de conflits d’intérêts concernant les données publiées dans cet article.